NUMÉRIQUE RESPONSABLE | STRATÉGIE

DEUX JOURS AUTOUR DES ENJEUX NUMÉRIQUE RESPONSABLE

Novembre 2023

Le GreenTech Forum Paris a fermé ses portes ce mercredi 22 novembre. La communauté numérique responsable s’est réunie pendant 48 heures pour parler des ambitions françaises et européennes autour des enjeux pour un numérique plus responsable.

2 038 participants, plus de 80 exposants et plus de 100 speakers, c’est le bilan comptable de GreenTech Forum. Au-delà des chiffres, c’est beaucoup de rencontres, de création d’opportunités et de travail d’intelligence collective. Les speakers ont proposé sur les deux jours de salon, une multiplicité de retours d’expérience et d’apports d’expertise sur les sujets de green IT, de sobriété numérique et plus largement de numérique responsable.

La France en avance

GreenTech Forum 2023 s’est ouvert sous les interventions de Jean-Noël Barrot, Ministre délégué chargé du Numérique et de Véronique Torner, Présidente de Numeum.

L’occasion pour le Ministre de rappeler les avancées de la France sur les sujets de numérique “écoresponsable”. Le Haut Comité au Numérique Écoresponsable (HCNE) a produit en juillet 2023 la feuille de route de décarbonation du numérique, à l’aide de cinq groupes de travail portés par l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur du numérique. 

La feuille de route a permis de fixer le cap souhaité par la France pour décarboner le secteur numérique. Plus globalement, elle permet aussi l’intégration du numérique au sein de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), visant la neutralité carbone à horizon 2050. 

Cette dimension renforce l’ambition française autour des enjeux de l’empreinte du numérique. David Marchal, directeur exécutif adjoint de l’expertise et des programmes à l’ADEME l’a explicitée lors de l’ouverture du salon : l’objectif est de « faire de la France la championne du numérique responsable ».

Dans cette dynamique, Jean-Noël Barrot a rappelé les financements débloqués par l’Etat suite à la production de la feuille de route. Avec 54 millions d’euros fléchés autour de l’écoconception, la sobriété & l’allongement de la durée de vie des équipements et à destination des acteurs économiques, le gouvernement entend maintenir l’avance de la France en matière de numérique responsable et inspirer les autres pays de l’Union européenne. 

L’Europe déjà

D’ailleurs, pour que la dynamique continue à grandir à l'échelon européen, un nouveau GreenTech Forum se tiendra, pour la première fois à Bruxelles en juin 2024. En cette année bissextile, ce n’est donc pas un GreenTech Forum qui aura lieu mais deux ! Le premier en juin à Bruxelles, et le second à Paris en novembre. Cet événement sera co-organisé avec le Belgian Institute for Sustainable IT, Numeum et sustAIn.brussels.

Pour GreenTech Forum, l’enjeu est de taille : le numérique responsable doit se déployer à échelle européenne pour avoir une résonance suffisamment forte. C’est le sens du message adressé par Gilles Mezari, président de la commission Numérique & Environnement et administrateur de Numeum, et Virginie Royer, Déleguée au Numérique Responsable et Planet Tech’Care pour Numeum, lors d’un précédent entretien.

Des compétences au cœur des enjeux 

Au-delà d’une nécessaire impulsion au-delà des frontières de la France, les compétences sont aussi un enjeu pour bâtir un numérique plus responsable demain, et pour tout simplement bâtir le numérique de demain. C’est le sens du message porté par Véronique Torner, Présidente de Numeum, lors de la plénière d’ouverture.

De nombreux acteurs ont rappelé, par ailleurs, l’importance de la formation aux enjeux du numérique responsable sur les deux jours de salon. Lors de son intervention sur une table ronde, Manaëlle Perchet, Head of impact and sustainable development (group) de Wemanity a détaillé comment la sensibilisation d’abord puis de la formation ensuite permet aux clients de Wemanity d’être « autonomes » dans le déploiement d’actions numérique responsable. 

De nombreux autres acteurs, speakers comme exposants, ont mis en avant le levier de formation comme vecteur de transformation. Parmi eux, des acteurs présents à la tribune comme Frédéric Bordage (Greenit.fr), Joséphine Mouton (La Fresque du Numérique), Caroline Tremel (LVMH), Emilie Zigmann (Wavestone), Christine Ebadi (Holomea), Benjamin Lang (Aelan) ou encore Tom Lann (Latitudes).

L’évaluation toujours centrale

Au cœur des autres enjeux évoqués lors du salon : l’évaluation de l’empreinte environnementale du numérique bien sûr. Nous en avons déjà parlé dans ces colonnes et allons continuer à le faire dans les prochains mois. Au-delà des nombreux exposants présents sur le sujet, certaines tables rondes sont revenues sur ces problématiques. 

L’ADEME a notamment présenté le Product Category Rule Système d’Information (PCR SI). Cette méthodologie permet à celles et ceux qui veulent évaluer l’empreinte environnementale de leur Système d’Information d’avoir les moyens de le faire avec une approche claire. Elle a pour objectif final d’uniformiser les pratiques de toutes et tous et introduire la même rigueur scientifique dans toutes les évaluations de l’empreinte du SI. Ainsi, si les entreprises utilisent des outils qui se conforment aux recommandations du PCR SI, elles savent sur quelle méthodologie ils se fondent.

La réglementation amène le changement

Les évolutions des réglementations étaient aussi un enjeu fort de ce GreenTech Forum. La keynote de Lise Breteau, avocate en droit du numérique (technologies, données, innovation) et chargée de plaidoyer au sein de l'association Green IT, et Angélica Calvet, Présidente Cinov Nouvelle Aquitaine et membre du bureau de l’Alliance Green IT (AGIT), a permis de décoder les réglementations en France et en Europe.

La table ronde « Nouvelles réglementations numérique et environnement : contraintes et opportunités » avait, elle, pour enjeu de réunir une entreprise “utilisatrice” concernée par les réglementations (Boris Dolley - RTE), des cabinets de consulting (Fanny Guezennec - ERM, Cyril Maltot - Synairgis) et une représentante des fabricants de matériel (Catherine Martial - Afnum). 

A cette occasion, Boris Dolley (RTE) a rappelé, à l’instar d’autres entreprises ayant témoigné dans ces colonnes, l’opportunité que représente la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), directive qui renforce les exigences de reporting des entreprises en matière de durabilité. Tout en parlant d’opportunité, Catherine Martial (Afnum) a tenu a rappelé l’enjeu de lisibilité autour du « millefeuille de règles qui peut devenir un inconvénient pour la mise en action ».

Dans cette même table ronde, Fanny Guezennec (ERM) a indiqué, qu’au-delà des législations, l’urgence de décarboner l’économie est très forte. Evoquant les conclusions du dernier Emission Gap Report de l’ONU : « A l’heure actuelle, on est sur une trajectoire de + 3°C. Donc pour les entreprises et la vie sur Terre, si on veut garder une vie économique relativement stable, il y a un enjeu majeur à se décarboner maintenant. »

Le circulaire au cœur des enjeux

Au-delà de l’enjeu de décarbonation, le sujet des limites planétaires entre au cœur des questionnements de certaines entreprises. Devant l’atteinte de ces limites (6 ont déjà été dépassées) et le risque que cela fait peser sur les organisations, l’urgence de changer de modèle économique est criante. 

Ainsi des acteurs particulièrement engagés comme Commown, représenté par un de ses cofondateurs Adrien Montagut, a pu démontrer l’intérêt d’offres de leasing sur des équipements numériques particulièrement durables. « Les modèles locatifs sans option d’achat sont vertueux tout en étant un très bon système de rétention des clients ». Commown travaille selon ce modèle économique en distribuant des téléphones portables et PC aux entreprises avec des marques comme Fairphone ou Crosscall.

Sur la même table ronde autour des enjeux de diminution du recours aux équipements numériques neufs, Clémentine Rivoal (HP) a annoncé le lancement de HP Revitalize, un programme d’une offre de PC reconditionnés. HP France est pilote pour ce programme compte tenu de la maturité du marché français. Pour l’heure, HP concentre son offre sur un modèle unique de PC Portable choisi pour « sa durabilité et sa réparabilité ».

D’autres acteurs étaient également présents pour défendre ces enjeux de durabilité et de réparabilité des équipements, à l’instar de Simon Guilhot, co-fondateur d’IKKAN. IKKAN est un assembleur d’équipements informatiques. Les PC portables qu’ils fabriquent ont la particularité d’être éco-conçus et ultra-réparables, donc extrêmement durables, grâce à leur grande modularité (connectique démontable, batterie amovible, etc.).

Enfin, de manière plus poétique, des œuvres d’art étaient exposées pour permettre au public de GreenTech Forum de prendre du recul et comprendre la matérialité du numérique. Ainsi, les visiteurs ont pu découvrir les œuvres de Nicolas Delay, des compositions réalisées à partir de l’assemblage de divers déchets électroniques comme par exemple des circuits imprimés. Ces compositions peuvent prendre la forme de sculptures, tableaux et photographies. Nicolas Delay cherche à questionner les notions de développement durable, d'obsolescence programmée des objets, d'empreinte carbone et la place de l’Homme sur notre planète.

Des imaginaires à repenser

L’art est un des chemins pour recomposer nos imaginaires liés au numérique. Cette idée, incarnée à travers les œuvres de Nicolas Delay, a été reprise dans les tables rondes liées au sujet des imaginaires numériques. Sur la table ronde « Le numérique & nous : comprendre et maîtriser les impacts du numérique sur notre imaginaire, nos perceptions et notre relation à l’environnement », Audrey Huvet (Devoteam) a détaillé cet enjeu, évoquant, entre autres, le travail de l’écrivain de science-fiction Alain Damasio.

Pour refondre nos imaginaires, Manaëlle Perchet (Wemanity) a rappelé, lors d’un autre temps fort du salon, les enjeux de remettre au centre des personnalités peu connues. Elles rappellent certains noms de femmes de l’informatique qui ont été « invisibilisées » avec le temps, comme Ada Lovelace, la première personne au monde à avoir créé un véritable programme informatique. Remettre les femmes du numérique dans la lumière est d’ailleurs un des moyens pour attirer plus de femmes dans la tech. Manaëlle Perchet rappelle que « s’il n’y a pas 50% de femmes dans les métiers, il y a 50% des problèmes qui ne sont pas adressés ! ». 

La fin des mythes

Recomposer les imaginaires passe également par la fin des mythes. Cette idée reprise aussi par le conférencier engagé pour l'écologie démocratique et sociale Côme Girschig, a été exposée par Axelle Lemaire (Sopra Steria) lors de la table ronde « Le numérique et la société : risques, bénéfices et transition juste ». Il est, à ses yeux, essentiel de sortir du mythe de l’immatérialité du numérique et de la gratuité.

Sur cette même table ronde, Agnès Crépet (Fairphone) qui « préfère parler de numérique juste et acceptable que de numérique responsable », est revenue sur l’importance de changer les imaginaires autour de la low-tech pour la rendre désirable aux yeux du plus grand nombre. Dans ce tableau, Christophe Pham est, lui, revenu sur l’importance de l’adaptation pour les entreprises. S’adapter au plus tôt est pour lui la clé pour se mettre en action et agir face au dérèglement climatique.

La mise en action

Mise en action était bien le maître mot de ce GreenTech Forum. Ces 48h d’échanges autour d’un numérique plus responsable ont permis le partage de constats et de solutions pour permettre la prise de conscience et la transformation des organisations. L’engouement autour du sujet démontre l’envie des entreprises d’agir pour répondre aux enjeux écologiques.

Avec une fréquentation en hausse pour cette 3ème édition, GreenTech Forum ambitionne de continuer à décloisonner le sujet du numérique responsable pour l’amener au plus grand nombre. Pour cela, GreenTech Forum vous donne rendez-vous en Belgique d’abord, en juin, puis au cœur de Paris en novembre 2024, au Palais des Congrès pour la 4ème édition en France.

Auteur de l'article : Rémy Marrone pour GreenTech Forum

GreenTech Forum est le rendez-vous professionnel dédié au Numérique et à l'Environnement.
Organisé sous le haut patronage de Planet Tech'Care, initiative pilotée par le programme Numérique Responsable de Numeum, l'édition 2024 se tiendra les 5 et 6 novembre au Palais des Congrès de Paris.
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