NUMÉRIQUE RESPONSABLE | STRATÉGIE

LE NUMÉRIQUE RESPONSABLE EN ENTREPRISE VU PAR LES PRESTATAIRES DU NUMÉRIQUE

Octobre 2023

Les enjeux d’un numérique plus responsable sont désormais connus par de nombreuses organisations. Néanmoins, les efforts d’acculturation sont encore à fournir pour faire entrer le numérique responsable dans les stratégies globales des entreprises.

«L’empreinte environnementale du numérique reste un enjeu secondaire pour nos clients mais nous travaillons à accélérer la prise de conscience et le passage à l’action » indique Marie-Céline Plourin, directrice RSE de Oodrive, première suite collaborative européenne de confiance. Les clients de Oodrive viennent en première priorité pour le produit et les garanties autour de la souveraineté / privacy.

Du côté de Fujitsu, même son de cloche. Pour Maxime Maintier, Directeur RSE de Fujitsu France, il n’y a pas encore d’engouement autour de ce sujet. Les opportunités business existent mais « on en est encore à l’heure des early stage. Il n’y a pas encore beaucoup de financement ».  A l’heure actuelle, les entreprises ne considèrent donc pas encore le sujet comme central dans leur stratégie.

Pour lui, les secteurs déjà réglementés ont de l’avance sur ces sujets et font les investissements nécessaires pour se mettre en conformité. On peut penser notamment au secteur public où la loi REEN est venue apporter une contrainte importante pour les territoires de plus de 50 000 habitants. « A partir de 2024, les choses devraient nettement changer ! », faisant ainsi référence à l’entrée en vigueur de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) (voir plus bas).

Questionner l’impact des technologies

Chez Devoteam, c’est toute une organisation qui tend à se repenser à travers son centre R&D nommé Gravity. Tout commence en 2011 au sein de l’entreprise qui allait devenir Revolve suite à son rachat en 2017 par le groupe Devoteam. Cette ESN de 300 personnes, intégrée à un groupe de plus 10 000 salariés, axe spécifiquement son travail autour des enjeux d’un numérique plus responsable.

En 2011, c’est par des partenariats technologiques différenciants, du mécénat ou encore les relations école que l’entreprise intègre des bonnes pratiques pour prendre en compte l’empreinte environnementale et sociale du numérique. En 2020, face au choc imposé par le Covid, Revolve repense son approche : en créant Gravity sous l’impulsion de la direction de l’entreprise, Revolve vient questionner le rôle des technologies et plus globalement de l’automatisation. Gravity a pour ambition de produire de l’information et des ressources pour transformer l’organisation d’une part mais également de diffuser ces communs produits au plus grand nombre pour faciliter l’essaimage de ces enjeux. Pour Audrey Huvet, Directrice du Centre de Recherche Contributive Gravity « notre objectif est d’abord d’embarquer 20% des salariés de Revolve pour créer un effet d’entraînement au sein du groupe ».

Gravity se définit avant tout comme un centre d’exploration qui s’inscrit dans un temps long, « il faut du temps et non des objectifs chiffrés pour pouvoir trouver des réponses à l’impact des technologies sur la biosphère et la société » note Audrey Huvet.

Des changements sous contraintes

Pour Emmanuelle Olivié-Paul, CEO de Advaes, les acteurs en mouvement et moteur de la transition sont encore rares. Elle dégage trois profils d’entreprises, des plus avancées dans la prise en compte des enjeux numérique responsable aux plus en retard : les profils volontaires, les profils sous contraintes et les profils non impliqués.

Advaes est une société spécialisée dans le conseil pour les prestataires du numérique : des fabricants de matériel informatique aux acteurs Cloud en passant par les éditeurs de logiciels ou encore les ESN. Advaes se positionne comme une société d’intelligence de marché, experte des stratégies ESG pour un numérique plus responsable et durable. Avec ce positionnement, Advaes cherche à inscrire les enjeux du numérique responsable au cœur de l’activité des prestataires du numérique.

Pour sa fondatrice, Emmanuelle Olivié-Paul, à l’instar de Maxime Maintier (Fujitsu) et Marie-Céline Plourin (Oodrive), le chemin à parcourir est encore long mais les prestataires du numérique commencent à intégrer ces enjeux au sein de leur stratégie ESG. Pour mieux évaluer les avancées, Advaes a lancé un baromètre, en cours de finalisation. Les premières conclusions : tout le monde n’est pas au même niveau.

Et pour cause, tous les prestataires :

  • ne sont pas soumis aux mêmes exigences réglementaires,
  • n’ont pas inscrit l’ESG comme un élément central de leur raison d’être,
  • n’ont pas voulu se positionner sur ce qui apparaît pourtant de plus en plus comme une opportunité de marché et plus globalement de développement.

Disparité chez les prestataires du numérique

Les plus gros acteurs sont déjà soumis à des contraintes réglementaires extra-financières ; celles-ci vont s’élargir à partir de 2024 (voir plus bas). D’autres acteurs sont tout simplement volontaires et jugent essentiel de mettre au cœur de leur action plus de durabilité. De l’aveu d’Emmanuelle Olivié-Paul, ils sont encore peu nombreux. Et puis il y a tous les autres, ceux qui ne veulent pas voir et qui sont encore à convaincre.

Pourtant, pour la dirigeante d’Advaes, l’intérêt de s’y mettre n’est plus à démontrer. « Parfois, c’est jusqu’à 25% de la note de certains appels d’offres qui est spécifique aux critères ESG. Donc si on n’est pas prêt, on ne peut pas répondre ».

Elle souligne également les enjeux sur la marque employeur : intégrer au sein de sa raison d’être les enjeux d’un numérique plus responsable est un bon moyen pour l’entreprise de se rendre plus attractive auprès de futurs collaborateurs, de plus en plus soucieux de l’impact environnemental des entreprises pour lesquelles ils travailleront ». Et de conclure : « Même si les entreprises ne sont pas en capacité de se saisir de l’ensemble des enjeux ESG, il faut s’emparer du sujet ».

Le tournant avec la CSRD

La CSRD, directive qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2024, risque de changer la donne et pousser plus de prestataires du numérique à faire entrer ces sujets comme central dans leur stratégie RSE.

La CSRD est une directive qui renforce les exigences de reporting des entreprises en matière de durabilité. Entre autres, la CSRD vise à améliorer la qualité des données transmises et à les harmoniser. Ces deux axes sont essentiels pour guider les acteurs financiers dans leur travail ; eux-mêmes soumis à des exigences extra-financières.

La CSRD ne concernera pas toutes les entreprises, tout du moins pas dans l’immédiat. Le premier reporting, exigé en 2025, avec comme année de référence 2024, sera demandé aux grandes entreprises cotées sur les marchés réglementés. La directive CSRD prévoit de s’appliquer progressivement à l’ensemble des acteurs cotés sur un marché européen, jusqu’aux PME.

Emmanuelle Olivié-Paul prévient : « ne pas s’y mettre, continuer à ne pas vouloir ouvrir les yeux est une très mauvaise idée, car même si votre entreprise n’est pas directement concernée par la CSRD, vos clients ou d’autres parties prenantes risquent de l’être ! ».

Ainsi, même si certains acteurs ne sentent pas concernés, leurs clients le sont peut-être déjà et le seront encore plus à partir de 2024. Et si ce ne sont pas leurs clients, ce seront d’autres parties prenantes comme potentiellement les fonds d’investissements, toujours plus attentifs aux critères ESG, par contraintes d’une part et de par les attentes des investisseurs d’autre part.

Virer de bord ou rester sur le bord du chemin

L’enjeu d’une prise en compte de ces enjeux n’est pas seulement un moyen de rendre l’activité de son entreprise plus soutenable, c’est aussi un moyen de la pérenniser. A l’instar de la transformation numérique, il y a quelques années, la transformation vers une activité tenant compte des critères ESG est facteur de durabilité des entreprises. Que ce soit par conviction, dans le but d’anticiper des réglementations vouées à se renforcer ou pour attirer demain les meilleurs profils, la transformation est inéluctable. Virer de bord le moins tard possible est essentiel pour ne pas rester sur le bord du chemin.

Ils prendront la parole sur GreenTech Forum 2023

Marie-Céline Plourin (Oodrive) est à retrouver sur GreenTech Forum 2023 lors de la conférence : « De l’ambition à l’action : comment structurer et mettre en œuvre une stratégie de numérique responsable au sein d’une PME/ETI ? », le 21 novembre 2023 à 14h.

› Détails de la conférence

Maxime Maintier (Fujitsu) et Emmanuelle Olivié-Paul (Advaes) sont à retrouver sur GreenTech Forum 2023 lors dela conférence : « Numérique Responsable, gouvernance et stratégie des organisations : bénéfices et opportunités », le 21 novembre 2023 à 11h.

› Détails de la conférence

Audrey Huvet (Devoteam Revolve - Gravity) est à retrouver sur GreenTech Forum 2023 lors de la conférence : « Le numérique & nous : comprendre et maîtriser les impacts du numérique sur notre imaginaire, nos perceptions et notre relation à l’environnement », le 21 novembre 2023 à 11h.

› Détails de la conférence

Auteur de l'article : Rémy Marrone pour GreenTech Forum

GreenTech Forum est le rendez-vous professionnel dédié au Numérique et à l'Environnement.
Organisé sous le haut patronage de Planet Tech'Care, initiative pilotée par le programme Numérique Responsable de Numeum, l'édition 2024 se tiendra les 5 et 6 novembre au Palais des Congrès de Paris.
Plus d'informations