NUMÉRIQUE RESPONSABLE | EMPREINTE

[DOSSIER DURABILITÉ & RÉPARABILITÉ] LA DURABILITÉ DES ÉQUIPEMENTS NUMÉRIQUES AU SERVICE DE LA CIRCULARITÉ

Janvier 2024

Suite à la 3èmeédition de GreenTech Forum Paris, et en vue de la première édition de GreenTechForum Brussels (18-19 juin 2024), retour sur ce qui s’est dit pendant l’événement avec les speakers invités sur scène à Paris.

Certains acteurs de la filière des équipements numériques, assembleurs et distributeurs, se lancent dans le pari de la création de valeur autour du service plutôt que du produit. Pour réussir ce défi, la durabilité des équipements proposés dans leurs offres est clé.

Face à des limites planétaires qui apparaissent chaque jour un peu plus tangibles, les entreprises doivent s’adapter. Les limites planétaires démontrent la finitude du monde dans lequel nous vivons. L’enjeu pour les entreprises est de transformer leur activité si elles veulent s’inscrire dans un temps long. Les entreprises du numérique, en particulier du secteur des équipements, commencent à intégrer ces enjeux et certaines orientent leur activité vers plus de circularité et de services.

Pour les entreprises qui ont compris la nécessité de se transformer, la prise en compte des limites planétaires n’est plus un lointain concept. Le réchauffement climatique et les crises de l’eau successives montrent bien les perspectives croissantes des difficultés à faire perdurer les activités commerciales comme elles se font depuis 70 ans. 

C’est pourquoi des assembleurs d’équipements numériques et des distributeurs cherchent de plus en plus à proposer les produits les plus durables possibles couplés à une logique de circularité. Cette nouvelle approche, orientée sur la durabilité des produits et non leur renouvellement toujours plus rapide, entraîne une refonte en profondeur des business models pour sortir d’une logique de rentabilité basée sur le volume. Tout l’enjeu réside alors en la capacité à créer de valeur autour des produits à l’aide de services associés à l’offre, et à trouver les moyens que chaque partie prenante soit intéressée par la durabilité des équipements.

Pour maximiser cette durée de vie du matériel, la robustesse des équipements proposés aux utilisateurs finaux est le premier levier. Pour entrer dans une logique réellement circulaire et associer des services à leurs offres, ces acteurs de la durabilité travaillent aussi sur le reconditionnement et la réparabilité des équipements, second levier de réussite qui sera abordé dans la deuxième partie de ce dossier.

Durable par nécessité : l’adaptation

Face à un dérèglement climatique toujours plus prégnant, de nombreuses entreprises cherchent à s’adapter. Très centrées sur l’impact carbone initialement, les entreprises intègrent peu à peu une compréhension plus systémique des problématiques environnementales. Ainsi, elles intègrent au fur et à mesure les neuf limites planétaires comme facteurs à prendre en compte dans la refonte de leur business model vers plus de durabilité. 

On dénombre neuf limites planétaires dont, à l’heure actuelle, six d’entre elles ont déjà été franchies. Elles correspondent à des limites en lien avec notre environnement, à ne pas franchir si nous souhaitons garder des conditions de vie stables sur Terre. Lorsqu’une de ces limites est franchie, le monde entre dans un degré d’incertitude supplémentaire. 

Les neuf processus sont : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles biogéochimiques, les changements d’usage des sols, l’acidification des océans, le cycle de l’eau douce, l’appauvrissement de la couche d'ozone, l'introduction de nouvelles pollutions chimiques dans l’environnement et l'augmentation de la concentration atmosphérique des aérosols.

Le changement climatique et les manques de ressources en eau sont les premiers facteurs les plus visibles à l’heure actuelle dans le numérique. A titre d’exemples : en 2022, à Taiwan, l’industrie des semi-conducteurs avait été mise à mal face à la mise en place de mesures de restriction de la consommation d’eau dans un contexte de forte sécheresse ; depuis le printemps 2023, le canal de Panama a été contraint de prendre des mesures drastiques, en diminuant progressivement le trafic des bateaux par deux pour faire face à l’abaissement du niveau des lacs l’alimentant. Autant d’éléments pouvant d’ores et déjà impacter l’importation des composants nécessaires à la fabrication des équipements numériques.

Des équipements durables

Des entreprises comme ikkan, conscientes de ces enjeux, s’engagent et proposent des ordinateurs plus durables, plus réparables. « Nous voulions proposer un équipement durable pour les entreprises qui souhaitent entrer dans une logique circulaire », expose Simon Guilhot, co-fondateur d'ikkan. 

Cet ex-Directeur des Systèmes d’Information repenti de la Tech non responsable comme il le dit lui-même, a co-fondé ikkan dans l’objectif de penser un modèle qui n’existe pas encore, à savoir créer des équipements numériques qui ont vocation à être pleinement réparables et durables. « Dans l’IT, cette logique circulaire n’existe pas ou très peu ; elle a complètement disparu des pratiques ces vingt-cinq dernières années ; désormais il y a une barrière financière et une barrière technique », poursuit Simon Guilhot, « quand on regarde le secteur automobile, on constate que la chaîne est parfaitement en place : réparation, maintenance, révision, etc. Même si le secteur est bien sûr très polluant, il y a des choses dont on devrait s’inspirer pour l’IT. »

Pour s’attaquer au marché, ikkan a sa propre méthode. Sa première arme est de fonder son offre sur des ordinateurs qu’ils assemblent dans leurs ateliers à Lyon-Vaise. Ces ordinateurs ont la particularité d'être réparables et évolutifs pour pouvoir maintenir leur performance. « Tous les points sensibles de l’ordinateur sont très facilement amovibles pour être remplacés en cas de besoin : la connectique, la batterie, le clavier, l’écran, la RAM (mémoire vive). C’est la clé. »

Le service plutôt que le produit

Ensuite, c’est avec son modèle d’affaires que ikkan donne tout son sens à l’action qu’elle porte : les ordinateurs sont majoritairement loués au client. L’intérêt d’ikkan est ainsi de rendre son matériel le plus fiable possible pour limiter au maximum les interventions et le remplacement des équipements de leurs clients afin de préserver sa rentabilité et, bien sûr, restreindre son impact environnemental. 

La location, c’est aussi le choix qu’a fait Commown, cette coopérative qui œuvre pour une électronique sobre et engagée. « Notre coopérative à un intérêt à faire durer le matériel et non à vendre. On ne vend jamais le matériel après un premier cycle de location » explique Adrien Montagut, co-fondateur de Commown, « Les modèles locatifs sans option d’achat peuvent être plus vertueux, car la flotte d'appareils mis en circulation peut constituer un stock de pièce détachée ».

Commown est distributrice d’équipements numériques. La coopérative s’entoure uniquement de partenaires faisant des produits robustes, conçus avant tout pour durer. Ils se nomment Fairphone, Crosscall ou encore Why! Open Computing. « Progressivement, nous accompagnons plusieurs de nos partenaires vers une économie d’usage » précise Adrien Montagut, « Pour cela nous devons leur proposer un modèle économique où ils sont gagnants à faire durer les modèles mis en circulation par notre coopérative le plus longtemps possible. »

Commown met ainsi en place un système de reversement de commission aux constructeurs partenaires. Dans cette logique, Commown développe l’offre “Fairphone as a service” en partenariat avec Fairphone en France. « Le partage de valeur ne s’arrête pas à la possibilité pour nous de déployer cette offre ; Fairphone nous met en valeur sur leur site internet au niveau France pour promouvoir ce service. »

Auprès du fabricant néerlandais de smartphones, Commown trouve la reconnaissance de son expertise. Ainsi, c’est tout sauf un hasard si Fairphone est devenu sociétaire de Commown d’une part, et a rejoint récemment le Conseil d’Administration de Commown d’autre part, par la voix d’Agnès Crépet, que nous avions précédemment rencontrée.

Faire entrer toutes les entreprises dans la danse

HP est également un partenaire de Commown : « HP est une valeur refuge pour certains de nos clients, notamment les grandes entreprises », explique Adrien Montagut, « nous ne distribuons que certains équipements de chez HP : les plus durables et les plus réparables. Il y a des modèles chez ce constructeur qui sont conçus dans cette perspective ». 

Adrien Montagut est enthousiaste sur ce début de partenariat car cela permet de travailler avec un acteur historique du secteur, « c’est un bon moyen de faire bouger les lignes, de les interroger sur leurs pratiques et d’avancer avec eux », détaille le responsable communication et plaidoyer de Commown, « travailler avec des acteurs importants de ce marché est aussi une meilleure occasion d’avoir de l’influence sur l’ensemble du secteur. »

Le choix de travailler avec HP ne s’est pas fait par hasard. Les premiers échanges se font en 2018 autour de l’indice de réparabilité. « Nous nous sommes rencontrés au moment des travaux sur cet indice dans lequel un certain nombre de constructeurs traditionnels se sont mobilisés, dont HP » détaille Adrien Montagut. 

L’indice de réparabilité, qui devient en 2024 l’indice de durabilité, indiquera notamment le degré de réparabilité d’un équipement. Néanmoins, pour l’heure cantonné au TV et lave-linge, son application effective sur les ordinateurs reste incertaine. Pourtant, un haut degré de réparabilité d’un équipement numérique est une condition nécessaire pour le rendre durable. Le reconditionnement sera d’ailleurs le second enjeu qu’entend explorer ce dossier.

Les freins à la réparabilité et au reconditionnement sont encore très nombreux et demeurent un challenge très fort pour ces acteurs. Un challenge technique d’abord avec la problématique de la disponibilité des pièces détachées ; un challenge financier ensuite avec le coût global de la réparation ; et enfin, un challenge marketing avec la capacité à rendre désirable l’offre reconditionnée. Autant de défis à relever pour créer les conditions de marché propices à développer l’activité des entreprises qui se tournent vers l’économie d’usage et plus de circularité.

La seconde partie de ce dossier intitulée « Réparabilité des équipements numériques, l’indispensable pilier de la circularité » sera publiée courant janvier 2024.

Ils ont pris la parole sur GreenTech Forum 2023

Simon Guilhot (ikkan) était présent sur la conférence : « Comment optimiser les ressources nécessaires à la production des équipements numériques, sur toute la chaîne de valeur ? », lors de GreenTech Forum Paris 3ème édition.

› Détails de la conférence

Adrien Montagut (Commown) était présent sur la conférence : « Eco-conception, reconditionnement, mutualisation des équipements : quels optimums pour diminuer le recours aux équipements numériques neufs ? », lors de GreenTech Forum Paris 3ème édition.

› Détails de la conférence

Auteur de l'article : Rémy Marrone pour GreenTech Forum

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Organisé sous le haut patronage de Planet Tech'Care, initiative pilotée par le programme Numérique Responsable de Numeum, l'édition 2025 se tiendra les 4 et 5 novembre au Palais des Congrès de Paris.
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